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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

restait debout encore dans les esprits ; le mot de république, malgré la belle tradition qui y rattachait l’origine même et la grandeur première de Marseille, ne s’y prenait que dans le sens étroit et haïssable de terrorisme.

Une noblesse ancienne, illustre et opulente, mais entêtée de préjugés, y garde une influence considérable, subordonnée toutefois à la puissance du clergé, qui pénètre jusqu’au plus profond des masses populaires. Le catholicisme, à demi païen dans le Midi de la France comme en Italie, possède le cœur et anime l’existence de ce peuple amoureux de symboles et de solennités. Le miracle est partout sur cette terre ardente. La légende peuple ces campagnes, splendides dans leur aridité, où le poème divin de la Judée semble se continuer à l’ombre de l’olivier mélancolique qui en rappelle, les plus suaves accents[1]. Tous les habitants sont religieusement associés, partagés en confréries. La mystérieuse organisation du compagnonnage dont Marseille était une des villes capitales[2], et qui prenait ses couleurs à la Sainte-Baume, a créé au sein des corporations ouvrières un esprit d’aristocratie qui domine tout, mais qui est dominé lui-même par l’autorité ecclésiastique.

La révolution démocratique de 1848 ne trouvait donc aucune disposition favorable ni sur les degrés inférieurs, ni sur les degrés supérieurs de cette hiérarchie cimentée par l’esprit catholique. Elle devait encore moins espérer se concilier la classe moyenne, où régnait un esprit mercantile très-habile, très-hardi, mais avide et égoïste, qui voyait tout à coup son essor paralysé par la suspension des affaires et l’anéantissement du crédit.

Lorsque M. Ollivier arriva à Marseille, le 3 mars, il trouva la préfecture et la mairie encore occupées par les fonc-

  1. On sait que, selon la légende, Madeleine demeura sept ans dans la grotte de la Sainte-Baume. De pieux pèlerinages attestent le lieu où saint Lazare et saint André moururent.
  2. Les trois autres étaient Lyon, Nantes et Bordeaux.