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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

gique. Cependant le roi refusait de se rendre à l’évidence. Quand, de guerre lasse, il daignait recevoir l’une ou l’autre de ces députations, il la persiflait ou la congédiait brusquement, en lui disant qu’il n’ignorait pas ce quil avait à faire. Cela signifiait, dans sa pensée secrète, qu’il voulait attendre le retour de M. de Radowitz et la réunion des souverains, annoncée par la Gazette d’Augsbourg pour le 25 mars, à Dresde.

Qu’on se figure son désappointement et sa frayeur, quand, au lieu de ce qu’il attendait, il reçut, le 17 mars, la dépêche officielle qui lui apprenait la révolution de Vienne. Le matin même, M. de Bodelschwing, son ministre des affaires étrangères, avait annoncé à l’ambassadeur de Russie que tout était terminé à Berlin. Le roi et ses ministres comprirent alors qu’il était temps de changer de ton, et qu’au lieu de jeter le masque, comme on s’apprêtait à le faire, il devenait urgent de redoubler d’hypocrisie. Le langage de la Gazette d’État fut tout autre « Voici donc, disait la feuille stipendiée, en ayant l’air de se féliciter, voici donc l’Autriche entrée enfin, comme la Prusse l’a déjà fait depuis longtemps, dans la voie des réformes ! » Les faits, cette fois, répondirent aux paroles. Le 18, une députation de la bourgeoisie fut solennellement reçue par le roi ; elle rapporta au peuple la liberté de la presse et la convocation de la diète pour le 2 avril. Le roi promettait, en outre, pour l’Allemagne, une confédération unitaire dont la Prusse allait avoir l’initiative et en quelque sorte la souveraineté. Depuis la plus humble mansarde jusqu’aux palais des princes du sang, tout s’illumina, tout retentit de cris de joie. Une foule immense se porta spontanément sous les fenêtres du château et demanda à voir le roi. Contraint par l’insistance de ces cris et de ces prières, dont il se tenait pour offensé, à paraître sur son balcon, Frédéric-Guillaume, pâle et courroucé, répéta d’une voix mal affermie l’annonce des concessions qu’on lui avait arrachées. Le peuple salua sa pré-