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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

de ligne[1] et gardes républicaines étaient sous les armes. À neuf heures, une salve de vingt et un coups de canon annonça que le gouvernement provisoire montait à l’estrade de l’arc de triomphe. Sur les gradins d’un amphithéâtre décoré de drapeaux et d’emblèmes, et qui dominait la longue avenue dont la ligne droite et toujours ascendante relie le palais de Catherine de Médicis au monument triomphal de Napoléon Bonaparte, le peuple apercevait de loin et saluait de ses vivats la représentation officielle et l’image imposante de sa propre souveraineté. Au haut de l’estrade, des magistrats, des officiers de l’armée, des fonctionnaires, des députations des corporations et des écoles prenaient place entre deux orchestres dont les accords retentissaient puissamment dans l’espace. Un groupe de femmes élégamment vêtues et qui tenaient toutes à la main des bouquets noués de rubans tricolores, couronnait, comme une gerbe de fleurs, cette ordonnance simple et grave de la fête patriotique. Vers dix heures, le défilé commença ; il ne se termina que très-avant dans la soirée.

Pendant la longue durée de cette évolution de troupes, pressées de toutes parts par le flux et le reflux d’une multitude innombrable, pas un accident, pas même un désordre momentané ne vint troubler la paix publique. La bouche des canons ceinte de guirlandes, les baïonnettes ornées de lilas et d’aubépines, le miroir étincelant des cuirasses, les casques aux joyeux panaches, les sabres brandis en l’air, les épées nues levées vers le ciel, le roulement des tambours, les fanfares, les cris enthousiastes, tout cela composait un spectacle à la fois grandiose et touchant, où le caractère de la nation, ce caractère belliqueux et doux, passionné pour le mouvement et le bruit, mais amoureux d’ordre et de discipline, se montrait dans toute sa vérité et dans toute sa grâce.

À mesure que les détachements de cavalerie, d’artillerie

  1. Le ministre de la guerre avait été autorisé à faire rentrer cinq régiments, trois d’infanterie et deux de cavalerie.