Aussi aucun parti n’eut-il la pensée de s’abstenir ; chacun, au contraire, redoubla d’efforts pour se faire dans l’Assemblée une place considérable. Le clergé donna l’exemple de cette politique. Se pliant aux événements, se conformant aux circonstances, il ne perdit pas un moment et n’omit aucun des moyens d’influence que lui donnaient, dans les campagnes surtout, ses relations étroites avec le peuple. Les listes du clergé habilement combinées, mélangées, selon les localités, de noms choisis parmi les moins compromis dans la noblesse et dans la bourgeoisie, et parmi les plus catholiques entre les ouvriers et les paysans, obtinrent la majorité dans un grand nombre de départements. Les noms qu’ils exclurent positivement ne passèrent pas, ou ne passèrent qu’à grand’peine. Enfin, sauf quelques évêques ultramontains qui restèrent à part, le clergé, par ce don d’interprétation qui lui est propre et qu’il appliqua largement à la révolution de 1848, se trouva comme naturellement, sans apparence de lâcheté, sans désaveu de ses principes, placé au centre même du mouvement électoral. Pendant que les partis politiques disputaient bruyamment sur le droit et sur le sens de la révolution, lui, sans rien contester, sans rien prétendre, il s’appliquait, et il réussissait à faire tourner cette révolution à son avantage [1].
- ↑ Le passage suivant d’un mandement de l’évêque de Dijon, en date
du 8 mars 1848, donne une idée exacte de l’attitude généralement
prise par le clergé catholique :
« Monsieur le curé,
« Vous le savez déjà, le gouvernement fondé en 1830 vient d’être emporté par un orage semblable à celui du sein duquel il était sorti. Celui qui règne dans les cieux et de qui relèvent tous les empires vient encore de donner aux peuples et aux rois cette grande et terrible leçon. Tout pouvoir qui méconnaîtra les intérêts généraux du pays ne pourra jamais y prendre racine. Tout gouvernement qui voudra arrêter les développements progressifs des libertés publiques sera tôt ou tard englouti par ce flot des idées et des besoins légitimes qui monte sans cesse, et qu’on ne peut dominer qu’à la condition de lui tracer un libre et paisible cours. »