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HISTOIRE

dèrent les bureaux du ministère de dénonciations extravagantes ; ils firent les rapports les plus faux ou les plus exagérés ; les révocations qu’ils provoquaient, et les réintégrations qui se firent par suite de l’évidence de leurs erreurs, portèrent une grande perturbation dans les affaires. Pensant y remédier, le ministre publia, le 8 avril, une nouvelle circulaire ; mais, bien loin d’atteindre son but, il ne fit que jeter un trouble plus complet dans les esprits.

De son côté, le ministre de l’instruction publique avait jugé utile de stimuler le zèle des fonctionnaires dépendant de son administration et de leur donner des avis sur le caractère que devait avoir l’élection. Dans une circulaire en date du 6 mars, il disait : « La plus grande erreur contre laquelle il faille prémunir la population de nos campagnes, c’est que, pour être représentant, il soit nécessaire d’avoir de l’éducation ou de la fortune. Quant à l’éducation, il est manifeste qu’un brave paysan, avec son bon sens et de l’expérience, représentera infiniment mieux à l’Assemblée les intérêts de sa condition qu’un citoyen riche et lettré, étranger à la vie des champs, ou aveuglé par des intérêts différents de ceux de la masse des paysans ; quant à la fortune, l’indemnité qui sera allouée à tous les membres de l’Assemblée suffira aux plus pauvres… » — « Des hommes nouveaux, ajoutait le ministre, voilà ce que réclame la France : une révolution ne doit pas seulement renouveler les institutions, il faut qu’elle renouvelle les hommes. »

Cette dernière phrase, en rappelant la circulaire de M. Ledru-Rollin, que M. Carnot avait cependant fortement désapprouvée, parut l’expression d’une exclusion systématique concertée dans le gouvernement. Un ministre de l’instruction publique qui venait dire que l’instruction n’était pas nécessaire pour représenter le pays, c’était encore là un grand sujet de scandale pour les partis.

Le ministre, violemment attaqué, insista, comme l’avait fait M. Ledru-Rollin, et, le 10 mars, il fit paraître au Moniteur une note où il recommandait encore aux électeurs de