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Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 2.djvu/237

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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

l’opinion de ses collègues et ne paraissait pas soucieux de se créer un parti dans l’Assemblée[1]. Le vote du 10 mai le blessait à la vérité, car, tout en lui cédant, ce vote jetait sur son immense popularité l’ombre d’un premier blâme, mais il ne l’avait pas excité à la lutte. Confiant toujours, oublieux, plein de sérénité, il attendait tout du temps et de son étoile.

La formation du ministère, laissée par l’Assemblée à la Commission exécutive, se ressentit de ces dispositions indécises. Le département de l’intérieur fut donné à un médecin, M. Recurt, républicain d’ancienne date, mais étranger à la pratique des grandes affaires, incapable d’occuper la tribune, et qui n’apportait au gouvernement aucune force, ni conservatrice, ni révolutionnaire. Un autre médecin, M. Trélat, qui s’était placé au premier rang dans les luttes du parti républicain par son talent et sa fermeté d’âme, mais qui était moins apte encore que M. Recurt aux affaires proprement dites, remplaça M. Marie au ministère, si important alors, des travaux publics.

M. Flocon succéda, au ministère du commerce, à M. Bethmont, nommé ministre des cultes ; M. Duclerc prit, des mains de M. Garnier-Pagès, le portefeuille des finances ; M. de Lamartine voulut être remplacé au département des affaires étrangères par M. Bastide, homme d’un courage à toute épreuve, d’un caractère incorruptible, mais timide sous des formes roides et trop peu préparé par ses antécédents aux discussions parlementaires, trop peu prémuni surtout, par la nature de son esprit, contre les habiletés de la diplomatie européenne. MM. Carnot et Jean Reynaud restèrent au ministère de l’instruction publique, malgré le déplaisir du parti clérical, dont l’influence était déjà sensible ; le portefeuille de la justice demeura à M. Crémieux qui

  1. Aux représentants qui venaient lui demander une direction politique, il répondait que tout irait de soi-même. À ceux qui souhaitaient de connaître ses idées sur le projet de constitution, il disait qu’il fallait consulter MM. de Béranger et de Lamennais.