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Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 2.djvu/276

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HISTOIRE

des hommes de mine équivoque parlent en faveur de la Pologne et proclament, pour un gouvernement provisoire, des noms acclamés ou repoussés par l’auditoire. Dès que l’on aperçoit Barbès, on l’entoure, on le hisse sur la table. Albert demande que l’on aille chercher Louis Blanc ; un peu de silence se fait. « Citoyens, dit Barbès, l’Assemblée réactionnaire est dissoute comme au 24 février ; un nouveau gouvernement est constitué pour sauver la République, parce qu’un seul jour sans gouvernement serait le chaos[1]. » Il déclare que ce gouvernement se compose de MM. Albert, Louis Blanc, Ledru-Rollin, Huber, Thoré, Raspail, Cabet et Pierre Leroux ; puis il rédige, au milieu des cris et des vociférations, une proclamation au peuple et dicte des décrets, dont on fait à la hâte, sur des feuilles volantes, des centaines de copies, que l’on jette par les fenêtres sur la place.

Le premier de ces décrets prononce la dissolution de l’Assemblée ; le deuxième met hors la loi tout citoyen qui portera l’uniforme de la garde nationale ; un troisième prescrit aux gouvernements russe et allemand de reconstituer la Pologne, sous peine de guerre avec la France.

Comme on est occupé à rédiger le quatrième, on entend battre la charge ; les cris de : « Vive l’Assemblée ! à bas les communistes ! » retentissent dans les cours et dans les escaliers. C’est la garde nationale qui charge à la baïonnette. On fuit, on se disperse. Un petit groupe d’hommes, qui se serre autour de Barbès et d’Albert, recule de salle en salle jusqu’à une dernière pièce, d’où la retraite n’est plus possible. Un officier de la garde nationale, paraît :

« Que nous voulez-vous ? » lui dit Barbès, en se levant. « Que faites-vous là ? » dit à son tour l’officier.

— « Je suis membre du nouveau gouvernement provisoire, » reprend Barbès avec calme.

« Eh bien ! moi, au nom de l’ancien, je vous arrête. »

  1. Voir au Procès de Bourges.