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HISTOIRE

poléon ! se rapprochent et se forment autour du Palais-Bourbon ; on y attend, dit-on, l’entrée du prince Louis. Les cris de : Vive Barbès ! deviennent rares et finissent par s’éteindre ; les cris de : Vive Napoléon ! s’accentuent. Les agents du parti bonapartiste répètent dans les groupes que le gouvernement veut empêcher l’exilé de rentrer en France ; les ouvriers s’indignent. La promulgation de la loi sur les attroupements, présentée par la commission exécutive et votée par l’Assemblée à une majorité considérable, porte au comble le mécontentement populaire.

Entre tous les membres du gouvernement, M. de Lamartine était le plus préoccupé de ces symptômes. Jusqu’à ce jour, il n’avait pas conçu d’appréhensions sérieuses pour les destinées de la République. Dans les manifestations populaires qui précédèrent l’ouverture de l’Assemblée, il avait vu tantôt l’influence de quelques factieux, tantôt la popularité de M. Ledru-Rollin se substituant à la sienne ; il s’était affligé de ces fluctuations stériles de l’opinion, mais rien dans tout cela ne lui avait paru alarmant pour la liberté. À ses yeux, les tendances orléanistes, légitimistes ou cléricales qui se montraient dans l’Assemblée ne pouvaient non plus remuer le pays qu’à la surface ; mais dès qu’il entendit prononcer le nom de Bonaparte, son grand instinct politique l’avertit ; il sentit que la République, telle qu’il l’avait comprise, était menacée. Il n’avait pas attendu, d’ailleurs, la révolution de 1848 pour prévoir, pour prédire avec une étonnante sagacité, la fascination qu’exercerait un jour sur la France, du fond de son tombeau, la grande figure de Napoléon. Dans l’année 1840, lors de la discussion relative au retour des cendres de l’Empereur, on voit M. de Lamartine s’élever avec force contre le projet ministériel ; il ne craint pas de braver l’impopularité en combattant un projet qu’appuie M. Odilon Barrot et que soutient la faveur publique. Dans un discours, le plus beau peut-être, par la hauteur des vues philosophiques, qui soit sorti de sa bouche éloquente, il signale le danger de ce culte de la force que