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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

un instant la situation de la propriété qu’il ne trouve guère plus favorable[1], il en vient à accuser le gouvernement d’agir sans ensemble, sans une idée, faute de connaître la situation profonde de la société, faute d’avoir médité sur le problème que la révolution de Février a présenté aux esprits. « Vous n’avez pas de solution, dit-il ; pas d’autre que la violence, la menace, le sang, la vieille, fausse, absurde économie politique. Il y a des solutions nouvelles, le socialisme les apporte ; ne le calomniez pas, comme vous faites depuis trois mois ; permettez au socialisme de faire vivre l’humanité. Examinez les solutions du socialisme, et si vous n’avez pas le temps, laissez le peuple les essayer, car il en a le droit,

car il ne veut pas détruire le présent, mais le mettre d’accord avec l’avenir, réaliser dans un temps plus ou moins prochain la République. »

Assurément, rien ne devait paraître plus singulier à cette assemblée, qui commençait à trouver qu’elle était un peu trop en république, que de s’entendre dire qu’elle n’y était pas assez. Mais la gravité de la situation commandait d’écouter jusqu’au bout l’orateur socialiste. Pierre Leroux poursuit ; il développe sa pensée en une image hardie et frappante, qui fut alors comprise d’un petit nombre. Selon lui, la république actuelle n’est pas la république vers laquelle l’humanité aspire, mais bien la mère d’une nouvelle république, d’une nouvelle société. Il ne faut pas que la mère se fasse avorter ; il ne faut pas qu’elle détruise le germe qu’elle porte dans son sein, de même qu’il ne faut pas que la république nouvelle tue sa mère[2].

    l’hôpital ; outre ces huit millions de mendiants et d’indigents, il y aurait quatre millions d’ouvriers dont le salaire n’est pas assuré.

  1. Selon M. Pierre Leroux, il existe cinq millions de cotes au-dessous de cinq francs ; l’on compte en France plus de six millions d’hectares de terres incultes. Au total, un million d’hommes vivent en France de revenu net ; et trente-quatre millions vivent de salaires à différents titres. Voir, au Moniteur, la séance du 15 juin 1848.
  2. Après les journées de juin, le journal de M. Proudhon, reprenant