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HISTOIRE

mentaires dans l’ancienne Chambre, où il avait brillamment débuté par un discours sur le mandat impératif auquel M. Guizot avait répondu, M. de Falloux, que sa naissance et ses idées rendaient hostile au gouvernement du juste-milieu, comprit tout de suite l’avantage que donnerait à son parti la liberté absolue de discussion et de presse, proclamée par le gouvernement provisoire. Aussi, dans les réunions électorales de son département, donna-t-il des éloges immodérés à ce gouvernement, parlant en toutes circonstances, avec une chaleur qui ressemblait à l’enthousiasme, de la liberté et des droits du peuple[1]. Il allait jusqu’à proclamer, dans un discours prononcé à Angers, en mars 1848, que la révolution ayant emporté ce qu’on appelait les boulevards de la société, ce qu’il appelait, lui, ses garde-fous, la société ne pouvait désormais être sauvée que par la liberté[2].

Dans l’embarras où se trouvaient les partis monarchiques en face d’une révolution dont ils ne pouvaient triompher que par la ruse, M. de Falloux, avec son esprit pénétrant et ses aptitudes à l’intrigue, était assurément le guide le plus habile. Lui-même se sentait appelé à ce rôle.

À son arrivée à Paris, il déploya, malgré sa santé débile, une activité extrême. Se hâtant de reconnaître le terrain où il allait prendre ses dispositions, il observa avec attention les hommes sur lesquels il serait utile d’exercer de

  1. Le 3 mars, il écrivait dans une lettre citée par l’Univers : « Les instincts du peuple de Paris sont d’une générosité, d’une délicatesse qui surpassent, celles de beaucoup de corps politiques qui ont dominé la France depuis soixante ans. On peut dire que les combattants, les armes à la main, dans la double ivresse du danger et du triomphe, ont donné tous les exemples sur lesquels n’ont plus qu’à se régler aujourd’hui les hommes de sang-froid ; ils ont donné à leur victoire un caractère sacré. »
  2. On raconte qu’après le coup d’État du 2 décembre, M. de Falloux changeait d’avis. Visité au mont Valérien par M. de Persigny, il le félicitait de son heureuse audace. « Je l’avoue tout bas, à cause de mes collègues, disait le grand politique, mais, au fond, je pense que vous avez bien fait. »