M. Marie, se tournant alors vers l’un des délégués qui accompagnaient Pujol : « Je ne puis, dit-il, reconnaître un organe du peuple dans un homme qui a fait partie de l’insurrection du 15 mai ; parlez, vous, exposez vos griefs, je vous écoute.
— Nul ici ne parlera avant moi, dit Pujol, en étendant le bras entre M. Marie et les délégués.
— Non, non ! s’écrient-ils.
— Êtes-vous donc les esclaves de cet homme ? » reprend M. Marie, avec indignation.
Un murmure prolongé accueille ce mot.
« Vous insultez les délégués du peuple, s’écrie Pujol.
— Savez-vous, lui dit M. Marie en le saisissant par le bras, que vous parlez à un membre du pouvoir exécutif ?
— Je le sais, dit Pujol en dégageant son bras, mais je sais aussi que vous me devez du respect ; car si vous êtes membre du pouvoir exécutif, je suis, moi, délégué du peuple. »
En ce moment, plusieurs officiers qui étaient dans la salle voisine, entendant ce bruit de voix, entrèrent et entourèrent les délégués en silence.
« Puisque vous ne voulez pas nous entendre, dit Pujol à M. Marie, en les voyant entrer, nous nous retirons.
— Puisque vous voilà, parlez, dit M. Marie.
— Citoyen représentant, reprit Pujol avec beaucoup d’assurance, avant la révolution de Février, le peuple des travailleurs subissait la funeste influence du capital. Pour se soustraire à l’exploitation de ses maîtres, il fit des barricades, et ne déposa les armes qu’après avoir proclamé la République démocratique et sociale, qui devait pour toujours le soustraire à la servitude. Aujourd’hui, les travailleurs s’aperçoivent qu’ils ont été indignement trompés ; c’est vous dire qu’ils sont prêts à faire tous les sacrifices, même celui de leur vie, pour le maintien de leurs libertés.
— Je vous comprends, dit M. Marie, eh bien ! écoutez : si les ouvriers ne veulent pas partir pour la province, nous les y contraindrons par la force ; par la force, entendez-vous ?