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HISTOIRE

C’était une entreprise périlleuse. La rue Saint-Jacques, excessivement étroite, fort en pente et bordée de maisons très-hautes, était traversée, de vingt en vingt pas, par des barricades que défendaient des hommes résolus et bien armés. Toutes les fenêtres étaient occupées : il ne semblait pas possible que, sous un feu croisé aussi rapproché et aussi continu, les soldats pussent s’ouvrir un passage. MM. Recurt et Bixio s’offrirent de le tenter et se mirent aussitôt en marche à la tête de cent cinquante hommes de la garde mobile.

Dans le même temps, le général Bedeau, après avoir tenu conseil avec MM. Marrast, Vernon et Guinard, divise ses troupes en deux colonnes : l’une montera vers le Panthéon par le pont Notre-Dame et la rue de la Cité ; l’autre se rendra par le pont d’Arcole sur le parvis Notre-Dame. A un signal de six coups de canon, on donnera simultanément l’assaut aux barricades.

Ce double mouvement s’exécute. Un détachement de la 9e légion et la garde républicaine, sous les ordres du commandant Vernon, s’avancent par le pont Notre-Dame. M. Edmond Adam, sans armes, ceint de son écharpe, marche à côté du commandant, afin de bien montrer à la troupe et aux insurgés que l’autorité civile est d’accord avec l’autorité militaire et d’appuyer ainsi d’une plus grande force morale la force matérielle assez faible dont on dispose. Au même moment, le général Bedeau et le colonel Guinard arrivent au parvis Notre-Dame ; ils y établissent une batterie et font braquer des canons dans l’Hôtel-Dieu. Le signal est donné. La garde républicaine attaque la première barricade du Petit-Pont du côté de la rue de la Cité et s’en rend maîtresse sans trop de peine ; mais, à la barricade qui, de l’autre côté du pont, fait face à la rue Saint-Jacques, elle rencontre une résistance opiniâtre. Les assaillants sont entièrement à découvert, exposés à des décharges continuelles, à bout portant, tandis qu’ils tirent presque au hasard sur des hommes masqués par d’énormes blocs de pierre. A