Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 2.djvu/445

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
441
DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

lit la proclamation de Cavaignac et le décret. Quelques applaudissements accueillent cette lecture. On invite le général à franchir la barrière, afin qu’il puisse s’entendre avec les chefs.

Comme il s’apprête à suivre ceux qui lui font cette invitation, le chef de bataillon Gobert, de la 11e légion, qui soupçonne quelque embûche, lui demande de permettre qu’il aille seul en avant pour faire une reconnaissance et s’assurer des dispositions de cette foule. Au bout de quelques minutes il revient dire au général qu’il serait imprudent à l’excès de se risquer parmi ces hommes ; ils paraissent très exaltés, dit-il ; les physionomies n’expriment que la haine ; il y a là, non pas de braves ouvriers prêts à entendre la voix de la raison, mais des figures du bagne.

Le général Bréa accuse Gobert d’exagération ; il persiste dans son dessein, préférant, d’ailleurs, courir un danger personnel plutôt que d’exposer encore sa troupe sans une nécessité absolue. Entouré de trois ou quatre insurgés qui lui jurent qu’il n’a rien à craindre, il s’avance résolument, gaiement, vers la petite porte latérale : « Venez-vous avec nous ? » dit-il, en se retournant, à M. de Ludre. — « Non ! » répond celui-ci.

Le colonel Thomas déclare également qu’il y a démence à se jeter dans une pareille embûche. Le général va franchir seul la barrière. Alors le major Desmarets, du 14e léger, s’adressant à Gobert, lui fait observer qu’il est contraire à toutes les règles militaires de laisser ainsi un général sans escorte. « Ce qu’il fait est insensé, répond Gobert ; mais vous avez raison, c’est notre devoir de partager son sort. » Et tous deux se rangent à ses côtés sans ajouter une parole. M. Armand de Mangin, capitaine d’état-major, M. Saingeot, lieutenant dans la garde nationale, suivent leur exemple.

À peine ont-ils franchi la porte de la barrière qu’elle se referme sur eux brusquement. Ils font quelques pas vers l’octroi. Une foule armée les entoure, les fait prisonniers.