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HISTOIRE

On entend dans cette foule des murmures : « C’est Cavaignac ! nous le tenons ! » disent les uns. « C’est le bourreau du Panthéon ! » disent les autres.

« Ce n’est pas Cavaignac, c’est un vieux brave ! » répondent quelques hommes qui se pressent autour de Bréa pour lui faire un rempart de leur corps et qui le conduisent dans une maison voisine où demeure le maire de la commune. La foule, restée dehors, se répand en menaces.

Craignant que les portes de la maison ne résistent pas longtemps contre la pression de cette foule, les braves ouvriers qui ont pris à tâche de sauvegarder le général l’emmènent au fond du jardin et l’engagent à en franchir le mur, très-peu élevé en cet endroit. Le général hésite ; il croirait faire une lâcheté ; il veut attendre, présenter sa poitrine à ces hommes qu’il ne peut supposer des assassins. Pendant ces hésitations, le lieutenant Saingeot saute par-dessus la muraille et va chercher du secours ; Gobert, pressé d’en faire autant, déclare pour la seconde fois qu’il partagera le sort de son général.

Les cris de la multitude redoublent. Il n’est plus guère possible de se faire illusion. Au moment où le général se décide enfin à fuir et s’apprête à escalader le mur du jardin, les portes de la maison fléchissent ; elles sont enfoncées ; la foule s’y précipite avec des cris affreux. On met la main sur le général ; on l’entraîne, en l’insultant, dans une pièce du second étage.

Le maire et quelques gardes nationaux qui se trouvent là entourent Bréa et parviennent à le séparer de la foule ; ils le font asseoir ; ils lui conseillent, pour gagner du temps, et dans l’espoir d’un prompt secours, d’écrire, sous forme de déclaration, quelques lignes insignifiantes, mais qui soient de nature à apaiser pour un moment l’émotion populaire.

Le général, qui a passé tout à coup de l’extrême confiance à l’extrême abattement, cède à ce désir ; il écrit sous la dictée de ceux qui l’entourent ces quelques lignes :