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HISTOIRE

cratie lombarde et de la noblesse piémontaise, sans souhaiter néanmoins le concours actif de la France, dénonçaient au pays les vues égoïstes de Charles-Albert ; ils disaient que ce prince déloyal négociait secrètement avec l’ennemi qu’il paraissait combattre afin d’accroître en toute hypothèse la puissance de sa dynastie, seule ambition, disaient-ils, à laquelle il fût accessible. Ces divisions, ces défiances mutuelles paralysèrent, dès le début de la campagne, le grand essor que le triomphe de l’insurrection milanaise avait imprimé à l’opinion. Charles-Albert n’était fait, ni comme homme politique, ni comme capitaine pour le ranimer. Très-indécis quant au but qu’il devait poursuivre, circonvenu depuis longtemps par la diplomatie anglaise qui voulait se servir de lui pour affaiblir la maison d’Autriche, sans toutefois permettre qu’il lui fût porté de trop rudes coups, Charles-Albert, à la tête d’une armée de quatre-vingt-dix mille hommes que secondent ses vaisseaux et l’escadre napolitaine dans l’Adriatique, le mouvement des troupes auxiliaires qu’on lui amène de Naples et de Rome et les milices volontaires qui accourent à lui de toutes parts, ne sait pas profiter de deux avantages brillants qu’il remporte coup sur coup à Pastrengo et à Sainte-Lucie. Au lieu de porter secours à la Vénétie, d’envoyer Durando contre Nugent pour empêcher sa jonction avec Radetzky et d’isoler celui-ci du côté du Tyrol, Charles-Albert appelle à lui l’armée romaine et concentre toutes ses troupes sur le Mincio, devant la forteresse de Peschiera, où il attend jusqu’au 15 mai l’artillerie dont il a besoin pour commencer le siége.

Dans le même temps, il insiste auprès du gouvernement français pour qu’on éloigne de la frontière les troupes que M. de Lamartine, dans l’éventualité d’une intervention, a rappelées de l’Algérie, et il donne l’ordre à ses vaisseaux qui croisent devant Trieste de ne pas tirer sur les vaisseaux autrichiens, laissant ainsi l’ardeur de ses troupes et l’enthousiasme des populations se refroidir, tandis que les Au-