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HISTOIRE

tique, active et n’eut qu’une part indirecte dans les événements.

M. Molé ne se trouvait pas plus satisfait que M. Thiers du ministère Dufaure et prenait également la résolution de rester neutre. M. Odilon Barrot inclinait vers Napoléon. Quant à la fraction du côté droit où dominait l’esprit clérical, après avoir sondé, par l’entremise de M. de Falloux, le nouveau ministère et l’avoir trouvé aussi ferme à repousser ses prétentions outrées que les ministères précédents, elle entra en négociations avec le prince Louis Bonaparte, et, satisfaite de ses promesses, elle favorisa ouvertement sa candidature.

Ainsi abandonné par tous les hommes considérables de l’Assemblée, blâmé par un grand nombre de républicains, attaqué avec une violence qui ressemblait à de la rage par la presse de tous les partis, le général Cavaignac s’irritait de plus en plus et laissait percer dans ses discours une amertume excessive. Chaque fois qu’il paraissait à la tribune, c’était pour prononcer des paroles hautaines, qui, au moment même où il venait de faire une concession énorme à ses adversaires, en détruisaient tout l’effet. Ainsi, obéissant à un mouvement de piété filiale exagéré par les attaques récentes dont la mémoire de son père était poursuivie, il vient un jour (2 novembre), sans nécessité, déclarer à l’Assemblée « qu’il est heureux et fier d’appartenir à un tel homme. » Une autre fois, dans un sentiment dont l’inspiration est la même, il trahit l’esprit de sa politique par ces paroles étranges à entendre dans une assemblée délibérante, au sein d’un État libre, en présence de partis puissants qu’on semble vouloir ramener à soi : « Ce que nous voulons détruire, c’est la faculté de nier le droit républicain. Quiconque ne voudra pas de la République est notre ennemi, notre ennemi sans retour. »

Cependant, durant ces derniers jours attristés d’un pouvoir dont la force s’alanguissait de plus en plus sans qu’on pût assigner à cette extinction de la vie une cause positive,