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DOCUMENTS HISTORIQUES.


XV

PROJET DE PROCLAMATION
PRÉSENTÉ PAR V. CONSIDÉRANT.


L’Assemblée nationale aux ouvriers de Paris.


Ouvriers nos frères !

Une affreuse collision vient d’ensanglanter les rues de la capitale. Une partie d’entre vous ont contraint le gouvernement, pour sauver la République, de tourner contre eux des armes françaises.

Des républicains, des frères ont versé le sang de leurs frères !

Au nom de la patrie, au nom de la Révolution qui doit vous émanciper, au nom de l’humanité dont nous voulons tous assurer et organiser les droits sacrés, jetez, jetez ces armes fratricides.

Est-ce pour nous entre-déchirer que nous avons conquis la République ? que nous avons proclamé la loi démocratique du Christ, la sainte fraternité ?

Frères, écoutez-nous, écoutez la voix des représentants de la France entière : Vous êtes victimes d’un malentendu fatal !

Pourquoi vous êtes-vous soulevés ? Les souffrances que nous ont léguées dix-huit mois de crise industrielle et dix-sept années de corruption monarchique n’atteignent-elles pas toutes les classes ?

Écoutez-nous : Ici ce sont, des chefs d’industrie qui accusent les ouvriers et les ateliers nationaux de la ruine des affaires ; là, des ouvriers accusent les chefs d’industrie de leur détresse.

Cette accusation réciproque n’est-elle pas une erreur funeste ? Pourquoi accuser les hommes et les classes ? pourquoi nous accuser les uns les autres de souffrances engendrées par la fatalité des choses ; de souffrances, héritage d’un passé que tous nous voulons transformer ?

Est-ce en nous massacrant que nous nous enrichirons ? Est-ce en nous égorgeant que nous fonderons l’ère de la fraternité ? Depuis quand la haine et la guerre civile sont-elles productives et fécondes ? Où sera le travail si l’émeute agite incessamment Paris ? Où sera le pain pour tous, si toutes les industries sont arrêtées par la terreur sanglante de la rue ?

Ouvriers nos frères, nous vous le répétons, vous êtes victimes d’un malentendu fatal !

Ouvriers, on vous trompe, on vous inspire contre nous le doute, la défiance et la haine ! On vous dit que nous n’avons pas au cœur le saint amour du peuple ; que nous n’avons pas de sollicitude pour votre sort ; que nous voulons étouffer les développements légitimes du prin-