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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

créditée encore dans certains esprits, que la liberté se peut fonder par le despotisme et que la compression violente des adversaires de la révolution est une œuvre de raison politique. Le nouvel essai tenté pendant les trois premiers mois de la révolution de Février ne montre pas l’influence des clubs beaucoup plus favorable au progrès des idées, et l’organisation des réunions populaires demeure encore aujourd’hui, après ces expériences réitérées, une des difficultés les plus considérables de l’établissement républicain[1].

Le gouvernement provisoire avait conscience de ces dangers, mais il pensa que, manquant du temps nécessaire pour préparer une sérieuse et utile organisation des clubs, il agirait néanmoins sagement en favorisant leur propagation, afin que, par leur nombre et leur diversité même, toute action commune leur devînt impossible. En conséquence, le maire de Paris mit à la disposition des réunions populaires des salles convenables dans les édifices publics[2], et chacun des membres du conseil s’occupa d’avoir dans les clubs ses agents particuliers chargés de détourner les discussions dangereuses, de distraire, en les flattant, les passions révolutionnaires, de semer la division entre les meneurs de la place publique et surtout d’avertir à temps le conseil des entreprises concertées contre l’Hôtel de Ville.

J’ai raconté comment s’improvisa, le 25 février au soir, autour de M. Blanqui, le premier club. Le lendemain, M. Xavier Durrieu, rédacteur en chef du Courrier français, pu-

  1. Rien n’est plus mal combiné, dit madame de Staël (Considérations sur la Révolution française), dans un temps où les esprits sont agités, que ces réunions d’hommes dont les fonctions se bornent à parler ; on excite ainsi d’autant plus l’opinion qu’on ne lui donne point d’issue. » C’était aussi l’opinion de Carnot, « d’accord avec Rousseau dans la pensée que les clubs agitent plus qu’ils n’éclairent. » (Mémoires, t. I, 1e partie.)
  2. Le 14 mai suivant, les établissements de l’État furent fermés aux clubs.