Page:Agoult - Histoire des commencements de la république des Pays-Bas - 1581-1625.djvu/136

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A ceux qui le blâmaient de tant de négligence à garder une vie si précieuse, il répondait avec ce calme un peu triste, avec cette espèce de fatalisme chrétien qui dominait toutes les agitations de son âme : « Dieu sait le compte de mes années ; il en dispose à sa volonté. S’il est un misérable qui ne craigne point la mort, ma vie est à sa merci, pour bien qu’elle soit gardée[1] » Aussi, toujours prêt à quitter ce monde où depuis tant d’années il ne connaissait plus le repos, avait-il écrit, à diverses reprises, ses volontés dernières, disposé de ses titres et de ses biens.

Au mois de mai 1584, après la session des états, le prince d’Orange s’était rendu à Delft. Depuis quelques semaines, un Franc-Comtois, qui prenait le nom de Guyon, s’était établi dans la ville ; il s’y faisait le renom d’un saint, par l’apparence austère de ses mœurs et par son assiduité à tous les exercices du culte évangélique. Il s’était présenté chez le ministre ViiHers comme étant fils de Pierre Guyon, exécuté à Besançon pour avoir embrassé la religion protestante. Il fuyait, disait-il, la persécution, souhaitait d’entrer au service du prince d’Orange ; il lui apportait des blancs seings du comte de Mansfeld, qu’il avait dérobés et dont on pourrait utilement faire usage. Le prince d’Orange n’avait pas donné d’abord beaucoup d’attention à ces blancs seings ni aux offres de Guyon. Toutefois, à la recommandation

  1. La Pise.