Page:Agoult - Histoire des commencements de la république des Pays-Bas - 1581-1625.djvu/139

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sant de lui. « Je ne suis point un traître, reprend l’assassin sans se troubler ; je suis un fidèle serviteur de mon maître. —— De quel maître ? demandent les gens du prince accourus en foule, et qui le ramènent vers la ville en lui assénant de grands coups. —— De mon seigneur et maître le roi d’Espagne, » dit Guyon. Et, comme il croit comprendre par les discours des hallebardiers que le prince n’a pas cessé de vivre : « Maudite soit la main qui l’a manqué ! » s’exclame-t-il avec une tranquillité sombre. Cette tranquillité ne l’abandonne pas un moment. Conduit devant le magistrat et interrogé, il demande du papier pour écrire ses réponses. Dans la prison où il est jeté et chargé de fers, dans les longs interrogatoires qu’il subit devant la cour municipale, dans les tourments de la question ordinaire et extraordinaire et jusque dans les apprêts du supplice, il confond ses juges et ses bourreaux par sa fermeté, par sa patience. L’assassin de Guillaume n’était pas un homme vulgaire ; c’était un fanatique réfléchi. Son nom véritable était Balthazar Gérard. Né à Vuillafans, dans la comté de Bourgogne, il avait été placé par son père chez un procureur de Dôle pour y apprendre les lois. Ce fut là qu’un jour, en compagnie de plusieurs personnes, il trahit pour la première fois la pensée qui hantait son esprit, et qui devait finir par s’en emparer entièrement. Prenant une dague qui se trouvait sur la table, et l’enfonçant avec force dans le bois de la porte « Voyez, s’écria-t-il d’un accent sinistre, c’est ainsi que