Page:Agoult - Histoire des commencements de la république des Pays-Bas - 1581-1625.djvu/144

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son apologie[1] ; les menaces du peuple empêchèrent seules le clergé des villes catholiques de chanter le Te Deum. Les chanoines de Bois-le-Duc montèrent au plus haut des tours de l’église pour le chanter en secret ; mais la foudre, tombée la nuit suivante sur le beffroi, se chargea de venger le deuil populaire. Quelques prédicateurs calvinistes ne gardèrent pas plus de retenue que les catholiques ; ils dirent en chaire que le prince était puni de Dieu à cause de sa tolérance et des divertissements qu’il venait de donner en son palais à l’occasion du baptême de son fils. Alexandre Farnèse, plus décent et plus contenu dans le sentiment d’allégement que lui apportait la mort d’un tel adversaire, interdit les réjouissances dans son camp et fit adresser des condoléances à la veuve du prince d’Orange. Quant au roi d’Espagne, il n’acquitta qu’avec lenteur le prix du meurtre qu’il avait ordonné ; ce fut plusieurs années seulement après la mort du « tyrannicide » Gérard que sa famille reçut un diplôme d’anoblissement, et qu’elle fut mise en possession de quelques seigneuries du prince d’Orange, confisquées en Bourgogne[2].

A la nouvelle de la mort de Guillaume l’affliction et le deuil furent universels dans la République. Les magistrats y voulurent satisfaire par des obsèques égales en magnificence aux funérailles des rois, et l’on mit plus

  1. Cette apologie fut publiée avec licence de Guillaume Estius, docteur en théologie à l’université de Louvain, sous ce titre : Le glorieux et triomphant Martyre de Balthasar Gérard.
  2. Gachard, t. i, p. 12.