Page:Agoult - Histoire des commencements de la république des Pays-Bas - 1581-1625.djvu/147

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vénérée. Par un don accordé rarement aux fondateurs d’États, plus rarement encore à ces grands révoltés qui se dressent de loin à loin dans l’histoire contre la tyrannie d’une idée ou d’un homme, les mains de Guillaume demeurèrent pures de sang : il n’exerça d’autre justice que la clémence. Dans un temps où la coupe empoisonnée et le poignard ne déshonoraient point des mains royales ; où les palais d’Holyrood, de Fotheringay, de l’Escurial, du Louvre et du Vatican voyaient se tramer et s’exécuter, presque sans mystère, des meurtres de famille et d’État ; en des jours où l’opinion n’avait nulle rigueur pour les crimes bien réussis ; où l’esprit de vengeance se confondait avec l’esprit d’honneur[1] où l’on pouvait s’offrir à Coligny pour assassiner Guise, être dédaigné par Farnèse comme de trop bas lieu pour la noble action de tuer un prince[2] ; où l’on devait entendre envier par un saint pontife le plaisir souverain de « faire sauter une tête de reine[3] », et voir, sans s’étonner, le meilleur des rois envoyer à l’échafaud l’ami de sa jeunesse, Guillaume eut ce bonheur, cette vertu insigne de n’ordonner ni de ne tolérer aucun attentat à la vie humaine. Au plus fort d’une crise terri-

  1. On se rappelle qu’à la mort de Henri III, il fut conseillé à Henri IV de créer, pour honorer les ennemis des Guises, un Ordre de la vengeance. (Ranke. Franz. Gesch., t. 11, chap. 6.)
  2. Strada écrit que le prince de Parme repoussa d’abord l’offre de Gérard, le trouvant inégal à une telle action « Spretus ut impar. »
  3. « 0 beata femmina, disait le pape Sixte V, en parlant de la reine Elisabeth, che hai gustato il piacer di far saltare una testa coronata ! (Bayle, art. Elisabeth.)