Page:Agoult - Histoire des commencements de la république des Pays-Bas - 1581-1625.djvu/19

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rendait insupportable le poids des impôts. Par leur dureté, par leur licence, les préfets et les centurions s’étaient fait haïr ou mépriser. Les nouvelles levées achevèrent d’irriter le sentiment national.

Il y avait alors parmi les Bataves un homme très-brave, très-éloquent, qui se sentit la puissance de faire tourner en révolte cette irritation : Claudius Civilis (c’est le nom que lui donnent les Romains, son nom teuton n’est pas venu jusqu’à nous) conçut le dessein d’affranchir son peuple et sa race.

Ce barbare était de sang royal. Il avait l’âme altière. Son génie était audacieux, prudent, plein de ruses. Il possédait l’art de la guerre et celui des négociations ; l’art inappréciable aussi, pour qui combat le plus fort, de persuader, d’associer, de confédérer les faibles. Outre l’opprobre commun à ceux de sa nation, Civilis avait à venger des injures particulières. Sur une fausse accusation de complot, son frère avait été mis à mort ; lui-même, envoyé à Néron et retenu dans les fers jusqu’à l’avénement de Galba, avait pu entendre les cris des soldats romains qui voulaient son supplice. Pendant vingt-cinq années qu’il servit sous les aigles impériales, il amassa en secret, il couva les projets d’une suprême vengeance : occultato interim altiore consilio. Il avait reçu l’éducation latine, qui relevait encore ses dons naturels, et il la tournait contre ceux qui la lui avaient donnée. Tout lui servait contre l’oppresseur, même son infirmité (il était borgne), qui le