Page:Agoult - Histoire des commencements de la république des Pays-Bas - 1581-1625.djvu/70

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Il n’est pas de mon sujet d’énumérer les causes multiples qui, après les croisades, relâchèrent peu à peu le lien religieux de la république chrétienne ; de dire comment l’autorité pontificale, qui était à la fois l’idéal et la sanction de toute autorité, s’affaiblit dans l’esprit des peuples. Un jour vint où, du sein de cette unité catholique dont un moine avait révélé au monde l’existence et la force, un autre moine se leva et lança comme un foudre sa parole tout à travers la communauté chrétienne. La voix de Luther, qui ne parut d’abord à la cour de Rome qu’un léger souffle de contradiction sorti de la cellule d’un moine ennuyé de l’être, et comme une répétition vaine d’attaques tant de fois réprimées, était, animée d’une force organisatrice qui manquait à la parole dissolvante de ses devanciers. Elle avait ce qu’un grand docteur catholique appelle un air d’autorité[1], une puissance d’attraction qui créa dans la république chrétienne un nouveau centre de gravité pour un nouveau système religieux. Luther n’opposa pas, comme on l’a dit, la liberté à l’autorité, l’examen au dogme. Les temps du doute philosophique n’étaient pas venus ; l’esprit de Bacon et de Descartes n’avait pas soufflé sur le monde. Le moine de Wittemberg et le théologien de Genève, qui compléta son œuvre, opposèrent une autorité rajeunie à une autorité chancelante, un dogme épuré à un dogme corrompu. Ils rallumèrent,

  1. Bossuet.