Page:Agoult - Histoire des commencements de la république des Pays-Bas - 1581-1625.djvu/69

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connaissait théoriquement ni le droit des gens, ni ce qu’on devait appeler plus tard l’équilibre européen, ni l’économie politique, ni l’organisation régulière des armées et des finances, ni les lois du progrès social auxquelles elle était soumise ; mais elle était poussée par une force instinctive dans une même direction. Contenue par un même dogme, elle gravitait dans une même orbite, vers un même Dieu dont le pontife de Rome était le représentant sur la terre. Cette grande unité religieuse, dont sortait et où se replongeait sans cesse le mouvement de la civilisation, cette belle hiérarchie de l’Église romaine, qui franchissait l’infini et dont le degré suprême atteignait au trône de l’Éternel tandis que son dernier échelon touchait au plus profond des misères humaines, avait eu au temps des croisades son expression la plus forte et la plus complète. Un moine obscur, à la voix inspirée, avait poussé la chrétienté à la conquête de la terre sainte ; il l’avait animée d’une même pensée d’honneur religieux : la délivrance, symbolique et réelle tout à la fois, du tombeau dont le Christ avait brisé la pierre. Le signe d’une même espérance avait marqué toutes les poitrines où couvaient encore des haines barbares. De ces lèvres qui proféraient des sons inconnus, étrangers les uns aux autres, était sorti un cri unique que tous entendaient et qui dominait tout : « Dieu le veut » fut le premier mot de ralliement, la croix du Christ fut le premier signe visible de la future unité du genre humain.