Page:Agoult - Histoire des commencements de la république des Pays-Bas - 1581-1625.djvu/93

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bli la forme du gouvernement et la discipline ecclésiastiques, déclarant expressément que le droit de faire des lois ecclésiastiques leur appartenait. Mais le temps de la réflexion et du calme n’était pas venu pour le peuple encore tout échauffé du combat, et le crédit des fanatiques augmentait d’heure en heure. Rien de plus simple et qui se conçoive mieux. Ce n’est pas par le raisonnement qu’on enflamme les multitudes et qu’on les pousse à l’héroïsme c’est le sentiment, c’est l’imagination surtout qui les entraîne. Ces fanatiques qui avaient prêché dans les ténèbres de la nuit, au fond des bois, à la sinistre lueur des torches, agitant dans leurs mains, au lieu du crucifix, l’épée nue, l’arquebuse, le pistolet ou la hallebarde, ces hommes qui se ruaient avec le peuple au saccagement des églises et contractaient ainsi avec lui une solidarité d’excès qui rendait leur union indissoluble, auraient été mal venus, l’eussent-ils essayé, à conseiller la modération. Ils avaient tonné au nom du Dieu des vengeances ; ils n’eussent pas été entendus s’ils avaient parlé au nom du

    prince d’Orange, au nom de leurs frères, des dons considérables pour l’aider à supporter les frais de la guerre, à la seule condition qu’il les défendrait contre l’intolérance des calvinistes. Aussi les protégea-t-il toujours de son pouvoir. A des zélateurs qui lui demandaient de chasser de son gouvernement les catholiques et les anabaptistes, il répondit un jour « Apportez-moi une chaire à trois pieds, séez-vous y dessus, elle sera assurée ; mais, si vous penchez plus d’un côté que d’autre, ou que vous veniez à couper un des pieds qui la soutiennent, elle renversera et ne pourra, plus supporter sa charge. ( La Pise, IV° partie, p. 450. )