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II.

PHYSIONOMIE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE.


À Fanny Lewald.


4 Juin 1848.


Je me rappellerai longtemps l’impression que me causa votre apparition subite, et ma surprise en voyant une femme, une étrangère, arriver à Paris au lendemain même de nos trois journées, au plus fort de nos troubles civils. La confiance avec laquelle votre intelligence lucide venait contempler et étudier de près ces orages politiques, dont la commotion inattendue déconcertait, ébranlait nos plus renommées sagesses, me parut un présage heureux pour notre jeune république. Je vous savais un gré infini, à vous et à votre charmante compagne, de trouver la France aimable dans un moment où tant d’autres ne la voyaient plus que terrible. L’hommage que vous rendiez, par votre seule présence, à la douceur de nos mœurs, à l’urbanité de notre révolution, à la beauté, à la grandeur de notre génie populaire, tout cela me pénétrait d’une joie indicible.

Je vous l’ai bien mal exprimée, je le confesse. Vous avez dû emporter de l’hospitalité parisienne une opinion médiocre, nous trouvant tous si absorbés dans nos préoccupations, si peu capables d’y faire trêve. Nous gardez-vous rancune ? Je ne le pense pas. Il me semble, au contraire, sentir toujours au milieu de nous votre esprit sympathique, et je crois répondre à ses inclinations en l’entretenant aujourd’hui de notre vie nationale, des développements qu’elle a pris depuis que vous nous avez quittés, des hommes qui se sont produits, des choses qu’on a faites. Je viens donc vous prier de m’accepter un instant pour guide et de vous laisser conduire par moi au centre même de nos agitations, de nos luttes, de nos espérances, de nos craintes, hélas ! au