Page:Agoult - Lettres républicaines.djvu/141

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soient douées de quelque intelligence, au lieu d’esquiver par la ruse et de venger par la coquetterie une oppression à laquelle elles devraient se soustraire par l’autorité de la raison, au lieu de passer ainsi alternativement du rôle d’esclave perfide à celui de tyran capricieux, elles parviendraient sans peine, si elles en avaient la volonté, à conquérir le rang de compagnes. Il leur serait aisé, si telle était leur ambition, de devenir, non plus seulement compagnes des heures de travail et d’étude, compagnes mêmes de la vie publique, si elles savaient s’y associer d’une pensée constante et d’une sympathie sérieuse. De cette égalité morale à une égalité relative devant la loi, il y a beaucoup moins loin qu’on ne suppose. Dans un temps où la logique révolutionnaire presse le pas, une fois les prémisses posées, la conséquence est vite atteinte.

Mais les femmes n’ont point compris cette loi du progrès. Elles ont méconnu le génie qui réside en elle ; elles l’ont refoulé, énervé ou dissipé en efforts tout extérieurs dont l’éclat et le tumulte ont compromis leur cause, en l’exposant prématurément aux railleries de la sagesse masculine. Les prétendues femmes libres qui ont voulu enlever de haute lutte des droits encore mal définis, revendiqués avec plus d’arrogance que de réflexion, ont discrédité, même parmi leur sexe, des idées justes mais ridiculeusement travesties. Par leur langage et leur attitude, elles ont paru donner raison à l’ignorance et à la frivolité qui, du moins, se voilaient de quelque grâce. Ces bruyantes révoltées ont confirmé les esprits délicats et timides dans le sentiment de l’obéissance passive et de la résignation. La crainte du ridicule venant s’ajouter à la mollesse des habitudes et à cette langueur d’âme qu’entretient en elles une éducation futile, les femmes ont presque toutes déserté leur propre cause[1], et le véritable obstacle à leur affranchissement tient beaucoup

  1. Je parle seulement ici des femmes de la classe cultivée.