Page:Agoult - Lettres républicaines.djvu/81

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sait à d’involontaires forfaits un destin inexorable, le peuple de Paris courait fatalement à sa perte. Exaspéré par la misère, aveuglé par l’ignorance, on l’eût vu au lendemain d’une victoire sinistre, en proie à mille passions contraires, éperdu, pressé de remords, doutant de lui-même et de Dieu en présence de l’impossible, entonner pour s’étourdir le Péan des furies. Puis il eût tourné contre son propre sein sa force en délire ; il eût consommé, dans le transport de ses espérances inassouvies et dans les ténèbres de sa raison, un immense, un épouvantable suicide.

Oui, nous le disons tous, et c’est notre devoir de le répéter bien haut afin d’alléger, s’il se peut, le poids qui pèse aujourd’hui sur votre grand cœur attristé, il a fallu, il a été d’une nécessité implacable que la force triomphât de la force.

Mais à l’heure de la force succède immédiatement, chez les peuples libres et policés, l’heure de la justice qui est aussi l’heure de la clémence, car, pour qui sait comprendre l’humanité, la clémence n’est qu’une justice supérieure et attendrie.

« Dans Paris, je ne vois que des vainqueurs et des vaincus ; que mon nom reste maudit si je consentais à y voir des victimes ! » C’est vous, général, qui avez prononcé ces nobles paroles et vous êtes chef de l’État : et l’Assemblée nationale a confiance en votre sagesse ; et la France entière, revenue de ses terreurs, incline aujourd’hui avec vous à la miséricorde !

Une première et bien rude expiation est accomplie. Entassés dans des cachots ; confondus avec des assassins, des pillards et des délateurs séparés de leurs familles dont les cris de détresse assiégent en vain des murailles muettes les bras inactifs quand ils savent que leurs enfans, exténués par la faim, implorant, d’une voix de plus en plus éteinte, la pi-