Page:Agoult - Lettres républicaines.djvu/82

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tié publique ; ignorant à travers quelles immensités, sur quelle plage déserte, une sentence sans appel va les jeter nus et maudits ; des hommes simples, trompés par d’ambitieux égoïstes, des ouvriers honnêtes et fiers, capables de dévoûment et de patriotisme, subissent la torture la plus cruelle à des êtres doués d’énergie et de volonté ; leur conscience est en proie au sentiment amer, au remords stérile de l’irréparable.

Oh ! qu’il n’en soit pas ainsi ! Qu’un choix prudent sépare au plus vite des instigateurs de complots et des fauteurs de guerre civile ces dupes héroïques, ces victimes repentantes ! Déjà l’Assemblée, dans un sublime instinct de maternité, a résolu que la famille ne leur serait point enlevée. Un mot encore, un signe de mansuétude, et que la patrie aussi leur soit rendue !

Grâce à la vaillante persévérance de cette armée qui honore en vous l’un de ses plus glorieux chefs, l’Algérie est aujourd’hui une terre française. C’est la patrie militante qui, chaque jour, par les armes, par l’agriculture, par l’industrie, conquiert à la civilisation, sur des régions plus étendues, un empire mieux affermi. Une telle œuvre demande un concours nombreux, et l’Algérie est dépeuplée. La fécondité de son sol languit faute de culture. Les vaincus de juin, l’un des braves de notre armée vous le disait il y a peu de jours[1], seraient pour la terre algérienne de précieux colons. Ils trouveraient, au prix du travail, dans ces campagnes fertiles, avec l’estime de leurs concitoyens reconquise, ce bien-être réparateur qui pacifie les instincts rebelles et les convoitises désordonnées. Ils puiseraient dans les chances permanentes

  1. Le général Létang. Lettre au général Cavaignac.