Page:Agrippa d'Aubigné - Œuvres complètes tome troisième, 1874.pdf/45

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LII.

Le sot qui espiant mal à propos un astre
D’une fauce astrolabe & d’un faux instrument
Dit que je vous perdray dedans six mois, il ment.
Fortune ne m’est pas si cruelle marastre :

Je veux sçavoir qui est ce mignon, ce folastre,
Estropié des yeux & de l’entendement,
Luy arracher la barbe, & demander comment
Il est si liberal de prescher mon desastre.

Ouy, mais, ce dira il, je le voy par le sort.
Regarde donc plus prés, tu y verras ma mort.
Voila un coup de pied, astrologue parjure,

Par ton sort, maistre sot, voyois-tu ce malheur ?
Desdy’ toy, ou je veux, monsieur le devineur,
Voir si tu as preveu ta derniere adventure.


LIII.

Si cest œil foudroyant qui m’a tant desdaigné
N’a peu voir en mon front la poltronne inconstance,
N’ay-je point merité en juste recompense
D’estre aussi prés admis que je suis esloigné ?

Pense, injuste beauté, si tu m’avois donné
Seulement par effay un traict de bienveillance,
A quel effort d’amour croistroit ma patience !
De quel brasier mon cœur serait environné,

Voyant luire aux beaux jours d’une face nouvelle
Un favorable ris pour un despit rebelle ;
Juge quelles seroyent mes ardentes fureurs,

Si la main qui me pousse apprenoit à m’attraire,
Si tes amers refus estoyent douces faveurs,
Comme on juge le bien à l’esgard du contraire !