Page:Ahern - Les maladies mentales dans l'œuvre de Courteline, 1920.djvu/11

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Un de ses amis a l’idée d’entrer dans un fiacre en passant par la lanterne.

On voit qu’à son arrivée à la maison, Théodore est en état d’ivresse avancée, qu’il est en plein dans la deuxième phase. En effet, les mouvements coordonnés sont totalement disparus. Le pauvre a déjà de la peine à marcher dans la rue, mais qu’est-ce qu’il prend dans l’escalier de la demeure paternelle !!! La difficulté est compliquée par l’obscurité. Péniblement, marche par marche, se traînant les pieds, les doigts écarquillés, il avance… Après une chute, il se relève, mais la période des illusions commence : « Pas moi… qui glisse —, c’est l’escalier ! » Puis, il ne sait plus où il en est : « Ah ça ! mais quel étage que j’suis ?… Bon sang de sort, en v’la une affaire, j’sais pus quel étage que j’suis !… Va falloir que je r’descende !… Soupé !!! J’vais demander au concierge ! » Il appelle le concierge à tue-tête, mais au lieu de celui-ci, ce sont les locataires qui lui répondent et d’une façon peu encourageante. Involontairement il heurte du pied une boîte à lait en fer-blanc. Cela lui donne l’idée de compter les paliers au passage en frappant avec sa boîte. Enfin il trouve son étage et la porte de son appartement. Mais le plus difficile reste à faire : introduire la clef dans la serrure ; il y réussit pourtant après l’avoir échappée et l’avoir retrouvée, au milieu d’un dialogue aigre-doux avec le locataire d’en face qui nous en apprend long sur le compte du pauvre crétin. Son premier mouvement, une fois la porte ouverte, est de chercher des allumettes, mais il s’étale sur le plancher et encore cette fois il trouve que c’est le parquet qui glisse, et il nous explique : « Oh ! c’est que moi, j’ai ça d’agréable ; je peux avoir mon compte bien pesé… pas moyen qu’on s’en aperçoive. Bon œil, bon pied, et pas le moindre embarras dans la langue… sauf pour certains mots difficiles, comme par exemple… l’oss… inaton. C’est pas que je ne puisse pas les dire, non, c’est que véritablement on ne peut pas les prononcer… La langue française