Aller au contenu

Page:Aicard - L’Illustre Maurin, 1908.djvu/108

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
90
L’ILLUSTRE MAURIN

minute il tirait, d’un sifflet d’argent suspendu à son cou, un son prolongé, aigu et strident.

En faisant cela, il paraissait s’acquitter d’une besogne importante dont il ne verrait jamais la fin et qui absorbait toute son attention.

La chose aux deux braconniers parut si curieuse qu’ils s’arrêtèrent pour la contempler. L’homme ne semblait pas les voir et continuait son manège. Visiblement il en perdait la respiration et se fatiguait beaucoup.

— Eh ! l’ami ! fit le familier Maurin, que faites-vous donc là ?

— Vous le voyez, dit l’autre, je siffle.

Et il siffla.

— Que vous sifflez, je le vois, dit Maurin, mais pourquoi sifflez-vous ? Il y a, à vous entendre, de quoi mettre en fuite jusqu’aux poissons sous l’eau de la mer !

L’homme, imperturbable, siffla encore, puis il prononça :

— Je siffle mon chien. Je le siffle comme ça depuis ce matin.

— Vous avez tous les deux une brave patience, car il est tout à l’heure midi… Et alors, il vous a quitté depuis ce matin, votre chien ?

— Oui, dit l’homme (toujours sifflant de temps en temps), c’est un chien tout neuf (coup de sifflet) qui, hier, à Nice, m’a coûté bien cher (coup de sifflet) et qu’on m’a donné pour excellent (coup de sifflet) ; c’est un chien à grande quête… Nous avons pris le train pour venir ici chasser ensemble. À la gare de Fréjus, ce matin à huit heures, mon chien m’a quitté (coup de sifflet) et depuis ce temps je le siffle… (coup de sifflet) Et mon chien n’est toujours pas là.