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L’ILLUSTRE MAURIN

Et s’épongeant le front, il soupira tout à coup, avec une résignation vraiment touchante :

— Qu’heureusement il n’y a pas de zibier ! qu’en courant comme il court, mon chien, s’il était là, me le lèverait tout de devant !

— Moussu, dit Maurin, tirant son chapeau avec une extrême politesse : aï vi fouásso couyouns dins ma pùto dé vido, maï coumo vous, jamaï ! » c’est-à-dire : J’ai vu beaucoup d’imbéciles dans ma malheureuse vie, mais d’aussi beau que vous, jamais !

L’homme, ahuri, leva les yeux sur Maurin qui ajouta en souriant :

— Il faut croire que votre chien, comme moi, vous a assez vu ! Bonsoir, la compagnie.

L’homme se fâcha : querelles, bourrades. Si bien qu’une heure après, toujours sifflant son chien, il alla porter plainte à la gendarmerie de Fréjus, où il donna par surcroît le signalement de sa bête.

On reconnut aisément Maurin aux renseignements des deux plaignants successifs et il fut entendu que le roi des Maures, désirant exploiter à lui tout seul les marais de Fréjus, cherchait à tous les chasseurs honorables des querelles d’Allemand.

Et le soir, en quittant Maurin, Pastouré se disait tout haut :

— Ils en diraient de belles, s’ils parlaient, les chiens ! Les chiens vous aiment par amour. La nourriture pour eux vient après l’amour. Offrez un gigot à mon chien et moi je lui offrirai une caresse. Il me suivra, moi, malgré votre gigot… Battre un chien, c’est un crime. Battre un homme qui a battu un chien, c’est une bénédiction. Mais les hommes ont fait la loi, et la loi n’est pas pour les