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L’ILLUSTRE MAURIN

jeune homme chargé de contrôler les cartes d’invitation « rigoureusement personnelles ».

Les délégués arrivaient par groupes, causant avec animation, consultant leur montre avec impatience. La plupart étaient des barbes grises. Il y avait quelques barbes blanches.

Tous sentaient leur importance et ils l’exagéraient dans le dessein d’imposer chacun son candidat, car, en dépit des bonnes intentions, le candidat le meilleur, c’est celui dont on pourra dire, s’il est élu : « Vous savez un tel ? le député ? c’est un vieil ami ! Nous nous tutoyons… »

On commençait à pénétrer dans la salle.

Sur le seuil, un délégué « ouvrier agricole » (le beau titre de paysan est aujourd’hui déconsidéré), un naïf d’une autre époque disait à un maire, ouvrier maçon du même âge que lui :

— C’est drôle, nous sommes été mousses ensemble. Nous nous sommes toujours tutoyés… eh bien, maintenant je n’ose plus.

Et l’autre, d’un air de supériorité dédaigneuse, impayable, — et qui se croyait modeste :

— Pourquoi ça, mon cher ? Parce que je suis maire ? Je ne suis pas de ce caractère-là, moi ; les honneurs me font pas perdre la tête… Tu peux me tutoyer comme autrefois, vaï, je te le permets !

On était exact ; on commençait à être une assemblée. Cigalous venait d’entrer avec Cabissol. Les candidats un à un parurent bientôt, escortés de leurs meilleurs amis.

Vérignon, Labarterie, Poisse, étaient à leur poste, et deux ou trois autres dont les noms sans consistance allaient être écartés dès l’ouverture de la séance.