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L’ILLUSTRE MAURIN

— Il n’est délégué d’aucune commune ! il ne parlera pas ! Hou ! hou ! Enlevez-le !

François Marlusse se posa en homme qui ne redoute pas les tempêtes populaires. Il attendait, les mains dans les poches, avec son rire de galégeaïre-né qui était sur toute sa face.

— Quand vous voudrez ! dit-il.

M. Rinal se leva. Ses beaux cheveux blancs, la belle tenue simple de toute sa personne, le je ne sais quoi de supérieur qui émanait de lui, firent faire silence.

— Les républicains de Bormes me connaissent tous, dit-il. Je suis un vieux fidèle de la République. En 1851, étant officier de la marine, chirurgien, j’ai voté non. Ma carrière en a été entravée.

Il touchait le point sensible. On l’acclama. Le souvenir de 1851, dans le Var, est un souvenir toujours saignant. Il reprit :

— Mon grand-père a siégé à la Constituante. Et je vous supplie de ne pas vous conduire comme des enfants mal disciplinés. Écoutez votre président. Écoutez chacun des orateurs. Que chacun parle à son tour, ou bien vos ennemis diront partout demain que votre congrès n’a été qu’une ridicule et inutile comédie. Subordonnez chacun vos intérêts individuels aux intérêts généraux de la grande cause de la République et de la patrie.

Pendant que M. Rinal parlait de sa place, Marlusse, à la tribune, faisait de temps à autre un grand geste pour appuyer par l’action la calme éloquence du vieux Jacobin. Quant à Pastouré, assis dans un coin, il remuait les lèvres avec rapidité. Il se répétait à lui-même chacun des mots prononcés par l’orateur.