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L’ILLUSTRE MAURIN

Alors une chose bizarre se produisit. Une voix, du fond de la salle, dit :

— Chois ? (prononcez tchois, comme tch dans l’éternuement).

Chois est le diminutif de François. Et ce diminutif est en Provence une interpellation populaire et comique. Ce mot seul évoque pour les Provençaux un type plaisant, comme Gnafrond pour les Lyonnais ou Pulcinella pour les Napolitains.

Tchois ?

Ce monosyllabe fut prononcé de telle sorte, qu’il donnait juste l’impression du premier appel d’une grenouille isolée qui s’ennuie dans un marécage à demi desséché, au moment où la lune disparaît derrière un nuage.

Une seconde voix répondit à l’autre bout de la salle :

Òou ? (eh bien ?)

Il n’y avait pas à s’y méprendre : c’était un dialogue de grenouilles.

Qué vouàs ? (que veux-tu ?) répliqua un troisième batracien, car tout en émettant ces paroles, chacun des acteurs de cette comédie parvenait à leur donner exactement la tonalité des appels et des réponses de plusieurs grenouilles qui conversent dans une mare.

Ìou ? (moi ?) répliquait une voix aiguë.

O (oui), faisait une voix descendante.

La dernière répondit avec un creux profond inimitable :

Ren ! (rien).

Cela fut d’une justesse si parfaite, si nature, qu’on eût cru entendre croasser tout l’Almanarre d’Hyères ou toute la plaine de Fréjus, par la fenêtre ouverte.