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L’ILLUSTRE MAURIN

vais vous éteindre tous les numéros pairs : 2, clic ! 4, clac ! 6, clic ! 8, clac !…

Marlusse allait, venait, bondissait, selon la distance qui le séparait de la bougie visée…

— 16, clic ! 24, clac !… Eh bien ! messieurs… j’aurais pu, vous le voyez, 32, clic ! m’engager dans un cirque, 34, clac ! mais ma pauvre mère n’aimait pas les comédiens !!… Un temps de repos… la trente-sixième, clic, clac, éteinte !… Eh bien ! qu’en dites-vous, monsieur le capitaine ? je vous avais promis de vous faire voir trente-six chandelles… Vous les avez vues !… faut-il éteindre les dernières ?

— Ça suffit, dit le capitaine réjoui ; allons déjeuner : je régale !… C’est merveilleux !

— J’avais bien pensé que ça finirait comme ça, monsieur, dit Marlusse avec noblesse, car je lis les journaux et on y raconte beaucoup de duels qui tous, même à Paris, se terminent par une bouille-abaisse. Alors, j’ai mis dans le caisson de ma voiture tout ce qu’il faut pour déjeuner en bien buvant… Serre les bougies, Pastouré, que M. le témoin qui me les a vendues ne me les a pas fait payer au prix de la chandelle.

— C’est merveilleux ! dit le capitaine. Je n’aurais jamais cru ça possible !

Tous riaient ; ils déjeunèrent sous les grands ormes, dans l’herbe, tandis que les chevaux dételés broutaient à belles dents.

Au dessert, le capitaine, qui était un peu gris, répétait sans fin le même mot : « C’est merveilleux ! merveilleux ! »

Marlusse, qui semblait définitivement ivre, se mit tout à coup à pleurer à chaudes larmes.