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L’ILLUSTRE MAURIN

— Je viens te commander la caisse.

— Quelle caisse ?

— De mort, donc.

— Et qui est mort ?

— Victorin, mon frère !

— As-tu pris les mesures ?

— Non, je te l’ai apporté.

— Quoi. Qu’as-tu apporté ?

— Mon frère, donc !

Parlo-Soulet souleva la limousine. Dessous, dormait son frère, la tête relevée par un sac d’avoine, et il dit :

— Fais ton travail et dépêche. Les morts veulent la terre.

Le menuisier se récria :

— On ne trimballe pas les morts ainsi ! Avait-il appelé le médecin des morts ? avait-il averti le maire ?

Parlo-Soulet secoua la tête.

— Je sais qu’on ne peut pas enterrer les gens dans leur bien et c’est pourquoi j’ai fait venir mon frère ici avec moi. Mais que me parles-tu de médecin des morts ? Depuis quand les morts ont-ils besoin de médecin ? Ce n’est pas l’heure de plaisanter avec moi. Les morts n’ont besoin de personne et de médecin encore moins que de tout le reste. Pour quant au maire, mon frère ne l’a jamais vu et le maire se moque bien de mon frère. Mon frère ne regarde que moi. Fais la caisse, que je l’enterre ; je te paierai ici même.

— Oou ! dit le menuisier. Tu parles raide et serré Je ne t’ai jamais vu ainsi !

— Il faut l’occasion, répliqua Pastouré. On ne perd pas tous les jours le seul frère que l’on ait.