Page:Aicard - L’Illustre Maurin, 1908.djvu/226

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
208
L’ILLUSTRE MAURIN

Quand le choc était trop rude, Parlo-Soulet se retournait et arrangeait soigneusement les plis de la limousine neuve, craignant sans doute de la perdre.

Aux descentes, il suivait la charrette, prenait en mains la corde de la mécanique, et il se rejetait en arrière pour serrer le frein, en criant, à l’adresse de l’âne :

— Hue, l’aï ! hi ! gia ! hue ! gia, l’aï !

Les bois autour d’eux faisaient un bruit de mer sous les étoiles vives. Puis, devant lui, au levant, Parlo-Soulet vit de longues bandes horizontales, jaunes et rouges, rayer le ciel, coupées par les mille jambes noires des pins qui semblaient des bataillons de géants immobiles ; puis le levant devint rose, puis blanc ; et le soleil éblouit le charretier, et peu à peu tout se fit chaud. Alors, des mouches et des guêpes se mirent à suivre l’attelage, et, avec un rameau de bruyère, Parlo-Soulet les chassait quand elles se posaient sur la limousine neuve de Victorin.

Quand il eut pris la route plate, qu’il atteignit par un circuit, et qui le menait à Roquebrune, il se rassit sur le brancard et ralluma sa pipe éteinte. Mais il garda en main sa longue tige de bruyère et tantôt il en caressait la croupe de son cheval, tantôt il en touchait la limousine que suivaient obstinément des mouches mordorées.

Et Parlo-Soulet, pour l’heure, ne disait mot, bien qu’il fût seul.

Arrivé à Roquebrune, il alla droit chez le menuisier et, devant la boutique, il s’arrêta.

— Oou ! c’est toi, Pastouré ? Qu’il y a pour ton service ?