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L’ILLUSTRE MAURIN

— Il y a autre chose.

— Et quoi ? Tu es plus parlant, à l’ordinaire.

— Quand ça presse, je vais plus vite, dit Saulnier… Et il est vrai que ça presse, mais c’est une presse qui pas tant ne presse, je le calcule.

— Galégès ! (tu plaisantes !) tu finiras, puis ! Mais… bougre ! ton renard est une femelle, je pense ! Voilà les perdreaux dérangés et aussi la belette, par mon chien qui à ta renarde fait des manières aimables.

— Eh ! eh ! dit Saulnier, eh ! eh ! mon renard et ton chien pourraient faire ensemble des petits qui seraient de fameux chasseurs. J’ai vu pareille chose, une fois.

Maurin fit semblant de n’être pas pressé ; il savait qu’à ses heures ce brave Saulnier aimait à causer une briguette (un brin) et que c’était son amusement, parfois, à cet homme toujours seul sur les routes, de faire traîner ses histoires afin d’impatienter le monde. Et plus on s’impatientait, plus alors Saulnier vous faisait attendre la chose, lorsque, bien entendu, il n’y avait à cela pour vous ni périls ni risques.

— Alors, tu as vu ça une fois déjà, Saulnier ?

— Oui, dit Saulnier. C’était au dernier méchant hiver que nous avons eu en ce pays. J’étais alors cantonnier de l’autre côté des Maures, à Pierrefeu où sont maintenant les fous, pechère ! Et ma maisonnette était dans la plaine. J’avais une chienne de garde, très bonne, de la grosseur ordinaire, une chienne de berger. Elle gardait si bien, qu’aux cabréïrets qui, la nuit, parlaient tout seuls, dans le lointain de la colline, elle aboyait deux heures de temps, jusqu’à m’éveiller, la pauvre ! et à m’empêcher de dormir. Puis, vint cet hiver si méchant, et pendant des nuits, elle qui m’éveillait d’habitude à