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L’ILLUSTRE MAURIN

force de crier au voleur sous mon fénestron, elle ne dit plus rien. Et alors ce silence me tenait éveillé d’inquiétude et aussi de curiosité. Je pensais : « Il y a quelque chose. » Qu’aurais-tu pensé à ma place, Maurin ?

— Comme toi ! fit Maurin qui s’encourageait à la patience.

Et il se disait : « Si j’ai l’air de penser à ce qu’il doit me dire de principal, sur ce qu’on me cherche, il la fera plus longue cent fois, son histoire ; eh bien, c’est moi qui, au contraire, par ma patience, l’attraperai, ce brave Saulnier ! Il faut lui passer cela… Ici, Hercule ! »

Hercule posait sa patte, gentiment soulevée, sur le dos de la renarde qui retroussait ses babines. Et Hercule faisait claquer ses dents, ce qui est, chez les chiens, un signe d’ardent amour.

— J’écoute toujours, dit Maurin.

Saulnier ôta ses œillères. Ses yeux pétillants, à cause qu’ils avaient paru si grands sous le cercle noir des lunettes, paraissaient maintenant bien plus petits que nature et ils brillaient de la même malice que les yeux des petits sylvains, fouines, belettes, écureuils.

— Tu as raison, d’écouter, dit Saulnier, car l’histoire est bonne. Je pensais donc : « Il y a quelque chose. » Et je surveillais la chienne, c’est-à-dire que je me levais plusieurs fois chaque nuit pour tâcher de surprendre ce qui l’occupait et la rendait silencieuse. Jamais je ne vis rien…

Saulnier s’arrêta. Ses yeux lançaient de la joie. Sa patte d’oie aux tempes se plissait comme la mer qui rit sous le vent. Les rides qui partaient du coin de son nez souriaient aussi de singulière façon ; et la vie mystérieuse, inexprimable, innombrable, s’écrivait