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L’ILLUSTRE MAURIN

son fougueux cheval de guerre, il en tira une sorte de barrissement si inattendu et si affreux que la monture de Sandri, en arrivant près de la sienne, fit un écart formidable, glissa des quatre pieds et tomba… envoyant rouler à quinze pas le plus joli des gendarmes.

D’un bond, Sandri, s’étant relevé, releva son cheval et se remit en selle, car il avait reconnu là-haut, à une fenêtre, Tonia qui riait comme une folle !

Tout en rassemblant sa bête, il l’éperonna rageusement. Furieuse, elle érigea superbement sa courte queue.

Or Pastouré, le dragon, veillait. Il saisit au vol une clarinette qui, bondissant en l’air sous le coup d’un tampon de grosse caisse, passait par là, et prompt comme l’éclair, sautant à bas de son cheval, il enfonça, d’une main sûre, cet instrument à anche dans le pertuis naturel qui béait sous la queue du cheval de Sandri.

Et ce faisant, Pastouré disait allègrement :

— Peut-être qu’il s’envolera !

Il s’envola en effet, — c’est du moins ce qu’on raconte. Il bondit comme s’il eût eu des ailes.

Sentant à la fois l’outrage aigu et la blessure profonde, serrant ses énormes fesses rondes, abaissant et pressant sa queue, si fière naguère, contre l’étrange queue postiche dont il ne pouvait deviner la nature, se croyant atteint, au milieu de cette guerre tonitruante, par quelque lance mortelle, le noble animal s’enleva des quatre pieds et, voyant devant lui s’ouvrir la vaste mer rafraîchissante, il s’y élança, emportant son cavalier qui s’épuisait en efforts inutiles et ridicules pour le maîtriser.

Noble et malheureux animal ! la douleur qu’il espérait