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L’ILLUSTRE MAURIN

marches forcées le long des routes de Provence où on le traînait la nuit de cirque en cirque.

— S’ils sont tous espagnols comme celui-là ! déclara-t-il, les amateurs de courses espagnoles auront le droit de se faire rendre leur argent.

Habillé correctement en toréador espagnol, mollets bombés sous le bas blanc, veste courte et pailletée, un homme, aux cheveux noirs et luisants comme de la poix, s’avança armé de deux banderilles qu’il planta dans les flancs du taureau en faisant des ronds de bras comme une danseuse.

Empereur frémit. Deux filets de sang sortirent de ses blessures, à la base des deux flèches qu’il secoua d’un frisson de peau, sans parvenir à les faire tomber ; puis le taureau, évitant les picadors avec soin, se mit à faire deux ou trois fois le tour de l’arène… Les banderilles sanglantes et ballottantes écorchaient sa chair, au rythme du galop ; il était évident qu’Empereur cherchait la sortie et rêvait au foin de son râtelier, à moins que ce fût aux horizons de Camargue prolongés par la vaste mer.

Une huée de la foule accueillit cette insigne lâcheté.

Empereur ne gagnait pas l’argent des entrepreneurs.

Ils avaient disséminé parmi le public quelques compères chargés de diriger les volontés de la foule,

— Allons, le feu ! le feu ! cria un prétendu afficionado.

Un deuxième toréador, tout pareil au premier, planta dans le cou d’Empereur deux banderilles nouvelles. Elles portaient des fusées dont la mèche se consuma lentement. Le feu atteignit bientôt la poudre et le taureau, couvert tout à coup d’étincelles, se secoua encore…