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L’ILLUSTRE MAURIN

plosion de son hilarité, puis un éclat de rire fait de deux mille éclats de rire retentit, colossal, répondant aux lointaines bravades dont Saint-Tropez, là-bas, à l’autre bout du golfe, tressaillait encore.

Mouredu Tortillados ne reconnut pas d’abord un coup de pied ; il avait tressauté sur place sans se retourner, conservant ainsi, avec une sagesse extrême et un soin jaloux, sa position de primera espada qui regarde un taureau entre les deux cornes et dont le salut peut dépendre d’un faux mouvement… Il était vrai, bien vrai, que la mort était là, mêlée à cette scène burlesque.

Mouredu sentait bien que l’heure était solennelle ! et, loin de se retourner, il demeurait cloué au sol, en statue, l’œil fixé sur les armes de son adversaire cornu, le seul de ses deux ennemis qu’il vît et pût voir.

Un second coup de pied visita le satin de ses culottes… Mouredu Tortillados sursauta une seconde fois, et, prudemment héroïque, demeura à son poste sans se déplacer d’une ligne, l’œil devant lui, l’épée tendue.

À la troisième sonnerie des trompettes de Jéricho, les murailles tombèrent… Au troisième coup de pied que reçut dans le derrière le toréador Gonzalès Tortillados el Fuego Bardillas, — sa culotte creva et laissa échapper un pan de sa chemise qui aussitôt se mit à flotter comme une oriflamme ! À cette vue, le taureau fit un brusque tête-à-queue et détala.

La foule fut secouée d’un rire formidable.

Ce qu’on appelle un taureau collant est chose assez rare ; beaucoup de ces malheureux animaux font alterner la vaillance et la lâcheté… Celui-ci semblait dire : « Que ces deux-là se débrouillent ensemble !… Le nouveau venu est peut-être un allié. »