Il éleva les petits œufs dans sa main. La renarde se mit debout sur les pattes de derrière, son long museau tendu vers la friandise ; Saulnier lui donna un œuf qu’elle croqua, et il lui dit :
— L’autre, tu l’auras quand nous serons de retour à la maison.
— Et la belette ? dit Pastouré, pris d’une curiosité qui lui déliait la langue.
— Je comprends, dit Maurin, qu’elle te sert de furet, mais comment auras-tu ton lapin, s’il y en a un dans le trou ?
— Espère un peu, collègue ! dit le cantonnier qui riait silencieusement, comme un homme content de lui-même.
Deux choses le réjouissaient : la surprise de ses compagnons et le bon tour qu’il jouait en secret « au gouvernement ».
Il faisait tiède. Le crépuscule arrivait, doux. Le grand murmure des pinèdes brûlantes, traversées d’une brise à peine sensible, semblait la respiration même de l’été commençant.
Rentré dans son cabanon, Saulnier referma soigneusement sa porte et donna à sa renarde son second œuf d’agace.
— Personne aux alentours ; s’il y avait quelqu’un, ma renarde me l’aurait dit. À présent, regardez.
Il déplaça une jarre qui était debout dans un coin.
La jarre enlevée, il désigna du doigt, sur le sol, à l’angle du mur, une petite trappe qu’il souleva, découvrant ainsi un trou carré, de trois pans de côté… Au fond étaient blottis deux lapereaux sauvages, à demi morts, que la belette, accroupie sur eux, avait saignés.
— Voilà ! dit Saulnier triomphant.