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L’ILLUSTRE MAURIN

« Après ça, tout est possible. Un miracle en vaut un autre. Allah est grand. Une tuile avec encore une tuile font deux tuiles. Trente et un, trente-deux ; quand ça va bien, ça va bien : quand ça va mal, c’est aussi bien ; tant que ça dure, ça dure ; quand il n’y en a plus il y en a encore, et le dernier fermera la porte, bonne nuit !

Il essaya de dormir et n’y parvint pas :

— Je vous demande un peu, si j’étais présentement avec eux dans ce cabanon grand comme un cochonnier à deux places, ce que je ferais, ne pouvant pas parler et ne pouvant pas dormir, et ne pouvant penser qu’à la fête qu’aujourd’hui j’ai vue !… Je sais bien que l’on dira : « Ce Pastouré et ce Maurin, ils avaient eu des morts chez eux, Pastouré son frère et Maurin sa mère, et pas moins ils ont bravadé à la fête ! » Mais d’abord il y a fête et fête : bravader n’est pas danser, et puis qu’est-ce que ça peut leur faire, aux morts, qu’on aille bravader et voir un taureau courir, pourvu qu’on ne les oublie pas ? Le deuil, on l’a dans le cœur. Il faudrait peut-être que je me promène à la chasse habillé tout de noir avec le kalitre en tête ! c’est ça qui ferait rire !… Et tenez ! que, malgré le deuil, nous ayons si vite marié nos enfants, Maurin et moi, cela, je le sais, on me l’a dit, a fait bavarder beaucoup de monde. Mais je suis d’Auriol et le monde peut dire ce qu’il veut, il me pleut aussi bien devant que derrière, je me n’en moque !… Vive Bassompierre !

« Avant d’accuser mon chaudron regarde si le cul du tien ne serait pas noir, comme il est probable. Et mon frère sous la terre où moi-même je l’ai mis, mon frère le sait, que mon deuil je l’ai au cœur. Et puis pour-