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L’ILLUSTRE MAURIN

après tout, marque d’amour, on regretterait tout de suite de s’être privé de ce qu’on aime ; et je trouverais ça bien bête, Tonia, tout bête comme je suis moi-même.

Elle boudait, farouche, excitée à sa rancune par les images que présentait à son esprit cette chambre où ils étaient.

Se levant avec violence, elle s’éloigna de lui tout à coup :

— Il ne faudrait pas jouer avec ces choses, Maurin ! cria rageusement la Corsoise. Ta peau dont tu parles, ta peau vivante qui a péché contre moi, je te l’arracherais très bien, dans une colère d’amour, comme à un lapin qu’on dépouille !

— Bougre ! dit-il, ça ne serait pas une petite besogne !… Allons ! allons ! du passé au moins ne sois pas jalouse… Vrai, tu me plais tant, petite, qu’aux autres, depuis des jours, je ne pense plus.

— De sûr ? interrogea-t-elle, subitement radoucie.

— De sûr… Tiens, hier, je n’avais d’yeux que pour toi.

— Oh ! tu ne me regardais guère !

— C’est qu’il y avait beaucoup de choses à regarder, dit Maurin : d’abord ces musiciens du diable, puis ces gendarmes qui me guettaient, et encore toreros et taureaux et le reste, — mais sur tant de belles filles qui grouillaient endimanchées, sois sûre qu’autrefois je m’en serais choisi au moins une, tandis qu’hier, je n’y ai pas songé, ma foi de Maurin ! Pas même les belles pipières de Cogolin, qui étaient toutes présentes aux courses, ne m’ont détourné de penser à toi. Je pensais à toi dès que j’en avais loisir, et quand j’ai traité si bien les Espagnols, c’était à la vérité parce que j’étais grisé