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L’ILLUSTRE MAURIN

ciel, comme un mouflon de Corse ou un chamois de Suisse, en silhouette arrogante, gesticulant à pleins bras, certainement pour les railler, ôtant son feutre parfois pour s’éponger le front avec un mouchoir qui était un drapeau rouge… Et quand il se recoiffait, on voyait son panache fauve palpiter sur le vaste azur comme par bravade, — c’était le cas ou jamais de l’employer, ce mot.

… La poursuite menaçait de s’éterniser. Elle durait depuis plus de deux heures déjà.

Une fois, au fin bout d’un rocher dressé sur le ciel, les gendarmes virent le mousquetaire s’asseoir gravement. Tant d’effronterie leur donna envie de lui adresser un coup de carabine ! mais lui, tranquillement, il se reposait… et là-haut, fantôme étrange, nettement profilé sur l’azur… il ôtait ses bottes !

— Non d’un chien ! s’écria Sandri, il met ses pantoufles !

— Ah ! le gueux, grogna l’autre gendarme. Et nous avons déjà fait à sa suite plus de cinq lieues en montagne ! et ses pantoufles vont lui redonner des ailes !

Là-haut, le mousquetaire imperturbable changeait en effet de chaussures : Maurin mettait ses fameuses espadrilles, grâce auxquelles, d’un pied sûr et léger, il défiait à la course sangliers et perdreaux.

— S’il met ses pantoufles, gronda Sandri, nous sommes foutus !

Les gendarmes impuissants assistèrent à ce spectacle. Ils virent chacune des jambes du mousquetaire se soulever l’une après l’autre vers le ciel et ses deux mains nouer à ses pieds, bien attentivement, les espadrilles redoutables. Puis la silhouette du mousquetaire lia