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L’ILLUSTRE MAURIN

Le juge eut un haut-le-corps.

— Un juge, dit-il gravement, n’est dangereux qu’aux consciences troublées.

— Faites bien excuse, déclara Maurin qui vidait une dernière fois sa coupe taillée dans une racine de bruyère, legs touchant du chasseur Casimir, qui en avait lui-même hérité de Prime, devancier de Maurin des Maures, — faites excuse, monsieur le juge. Parlant par respect, il devrait en être comme vous le dites, mais c’est bien tout le contraire, et, dans ce pays-ci du moins, c’est plutôt les innocents qui ont tout à craindre des juges !

— Comment cela ?

— Eh bé, fit Maurin, à avoir affaire aux juges, les coupables ne perdent jamais rien… mais les innocents perdent toujours tout. Je ne vous l’envoie pas dire et comme je le dis, prenez-le.

— Il vous le met dans la main, proféra le silencieux Pastouré qui riait dans sa barbe.

— Il y a du vrai dans ce que pense M. Maurin, affirma Mme  Labarterie.

Son mari, cette fois, lui adressa un regard sévère.

— Qu’en savez-vous ? dit-il à sa femme.

— Eh ! fit-elle en riant, supposons une honnête femme que son mari croit coupable d’adultère ; il demande la constatation d’un flagrant délit imaginaire. Le juge obtempère. Le commissaire de police fait buisson creux. La chose est connue, et la femme est compromise quoique innocente.

— En ce cas, dit le juge, c’est le mari qui a égaré la justice.

— Et tout au contraire, reprit Maurin, de plus en plus narquois, voilà une belle femme qui a oublié un